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Recyclage des GHM et AMM/ Arrêté du 29 mars 2018/ Illégalité partielle

CE 27 janv 2020 SIM – AMM

Conseil d’État

N° 421332
ECLI:FR:CECHR:2020:421332.20200127
Inédit au recueil Lebon
4ème – 1ère chambres réunies
M. Olivier Fuchs, rapporteur

lecture du lundi 27 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le Syndicat interprofessionnel de la montagne demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 29 mars 2018 de la ministre des sports modifiant l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code du sport ;
– l’arrêté du 10 mai 1993 relatif au brevet d’Etat d’alpinisme ;
– l’arrêté du 16 juin 2014 relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne ;
– l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport :  » I. – Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants (…) les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée (…) « . L’article L. 212-2 du même code prévoit que, lorsque ces activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées « . A ce titre, l’article R. 212-7 du même code mentionne, au nombre des activités impliquant le respect de mesures de sécurité particulières,  » le ski, l’alpinisme et leurs activités assimilées « . Enfin, l’article R. 212-1 dispose qu’afin d’assurer le maintien des compétences professionnelles en matière de sécurité des pratiquants et des tiers, le règlement du diplôme mentionné à l’article L. 212-2 peut prévoir des formations de mise à niveau, dont les contenus et les modalités d’organisation sont fixés par arrêté du ministre chargé des sports. L’article 1er de l’arrêté du 16 juin 2014 de la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports relatif à la formation spécifique du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne et l’article 2 de l’arrêté du ministre des sports et de la jeunesse du 10 mai 1993 relatif au brevet d’Etat d’alpinisme soumettent les titulaires du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne et du diplôme de guide de haute montagne du brevet d’Etat d’alpinisme à un stage de formation continue, dit de  » recyclage « , tous les six ans.

2. Pour l’application des dispositions de l’article R. 212-1 mentionnées au point 1, l’arrêté de la ministre des sports du 11 mars 2015, tel que modifié par l’arrêté attaqué du 29 mars 2018, détermine les modalités d’organisation de la formation de mise à niveau dite de  » recyclage  » et précise que cette formation conditionne l’exercice de la profession. L’article 2 de cet arrêté, dans sa rédaction issue de l’arrêté attaqué, dispose que le  » recyclage  » est organisé par l’Ecole nationale des sports de montagne. Ce même article prévoit que l’organisation de cette formation de mise à niveau  » peut faire l’objet, en tout ou partie, d’un marché passé avec un ou plusieurs organismes de formation, conformément à un cahier des charges établi par l’Ecole nationale des sports de montagne « . L’article 3 de cet arrêté, dans sa rédaction issue de l’arrêté attaqué, prévoit notamment que les formateurs sont titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans et en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité , et que, dans le cas où l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, les formateurs sont désignés par le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne, sur proposition de l’organisme ou des organismes de formation.

Sur le moyen tiré de l’incompétence :

3. Il résulte des dispositions de l’article R. 212-1 du code du sport mentionné au point 1 que la ministre des sports est seule compétente pour fixer par arrêté les contenus et les modalités d’organisation de la formation de mise à niveau prévue par l’article 1er de l’arrêté du 11 mars 2015 et l’article 2 de l’arrêté du 10 mai 1993. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence ne peut qu’être écarté.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du principe de liberté du commerce et de l’industrie, des règles de la concurrence et des principes généraux du droit de la commande publique :
En ce qu’ils concernent l’organisation de la formation par l’Ecole nationale des sports de montagne :

4. Il ressort des termes de l’article L. 212-2 du code du sport cité au point 1 que, lorsque les activités d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique ou sportive contre rémunération s’exercent dans un environnement impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, le diplôme permettant son exercice  » est délivré par l’autorité administrative dans le cadre d’une formation coordonnée par les services du ministre chargé des sports et assurée par des établissements relevant de son contrôle pour les activités considérées « . Aux termes de l’article D. 211-53-1 du même code, l’Ecole nationale des sports de montagne a notamment pour mission  » 3° La formation, le contrôle de la formation et le perfectionnement des professionnels des métiers sportifs de la montagne et la préparation aux diplômes conduisant à ces professions ainsi qu’aux activités professionnelles en relation avec son domaine de compétence « . En vertu de l’article 4 de l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne, le  » recyclage  » des guides de haute montagne a pour objet d' » actualiser leurs compétences professionnelles, en particulier dans les domaines de la gestion de la sécurité, de l’obligation de moyens et de la réglementation « .

5. Il résulte de ces dispositions que, eu égard à l’objet du  » recyclage « , qui vise à maintenir et développer les compétences des guides de haute montagne afin de leur permettre d’assurer la sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée, et au fait que le suivi de cette formation conditionne l’exercice de la profession, ce  » recyclage  » doit être regardé comme relevant, au même titre que la délivrance du diplôme, du champ d’application de l’article L. 212-2 du code des sports. Il en résulte que cette formation ne peut être assurée que par des établissements relevant du contrôle du ministre chargé des sports. Il s’ensuit qu’en confiant à l’Ecole nationale des sports de montagne, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des sports, la mission d’assurer cette formation dite de  » recyclage « , le ministre n’a fait que mettre en oeuvre les dispositions de l’article L. 212-2 du code du sport. Dès lors, les moyens tirés de ce que l’arrêté attaqué, en ce qu’il confie à l’Ecole nationale des sports de montagne l’organisation de la formation continue des guides de haute montagne, porterait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et aux règles de la concurrence ne peuvent qu’être écartés.

En ce qu’ils concernent le recours à un marché passé avec un organisme ou plusieurs organismes de formation :

6. En premier lieu, compte tenu de l’objet même de la formation en cause, tel qu’il a été rappelé au point 5, l’arrêté attaqué a pu légalement prévoir, d’une part, un contenu identique, validé par l’Ecole nationale des sports de montagne, pour la formation délivrée à l’ensemble des professionnels soumis à l’obligation de  » recyclage « , et, d’autre part, que ne pouvaient être désignés formateurs, y compris pour les organismes de formation co-contractants, que les titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité. Contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, ces conditions, qui sont proportionnées à l’objectif de sécurité poursuivi, n’ont ni pour objet ni pour effet d’empêcher l’Ecole nationale des sports de montagne de recourir, comme le prévoit d’ailleurs l’arrêté attaqué, à un ou des prestataires extérieurs.

7. En deuxième lieu, eu égard aux dispositions législatives et réglementaires et à l’objet de la formation cités au point 5, l’arrêté contesté a pu légalement confier à l’Ecole nationale des sports de montagne la compétence pour établir un cahier des charges, dans le cas où l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, lui-même soumis, par principe, aux règles de la commande publique. Par suite, le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est pas fondé à soutenir que l’absence de fixation par l’arrêté attaqué du prix des formations en cause et de critères présidant au choix, le cas échéant, d’un organisme de formation méconnaîtrait les principes du droit de la commande publique.

8. En troisième lieu, lorsque l’organisation du  » recyclage  » fait l’objet d’un marché, les dispositions de l’article 5 de l’arrêté attaqué prévoient que les formateurs sont désignés par le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne sur proposition de l’organisme ou des organismes de formation co-contractants. Ces dispositions, qui doivent être regardées comme ayant pour objet de permettre à l’Ecole nationale des sports de montagne, dans l’exercice de ses missions rappelées aux points 4 et 5, de vérifier que les formateurs disposent des compétences nécessaires pour garantir la qualité de cette formation, sont nécessaires et proportionnées à l’objectif de sécurité poursuivi et ne méconnaissent pas, contrairement à ce qui est soutenu, le principe de liberté du commerce et de l’industrie et les règles de la concurrence.

9. En revanche, ces mêmes dispositions, en ce qu’elles prévoient que le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs sans encadrer cette possibilité, notamment en précisant les motifs et conditions dans lesquelles le directeur général peut y recourir, alors même que, comme indiqué au point 5, en vertu de l’arrêté attaqué, ces formateurs doivent être titulaires du diplôme de guide de haute montagne relevant du brevet d’Etat d’alpinisme ou du diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne depuis au moins six ans et en possession d’une carte professionnelle d’éducateur sportif en cours de validité, ne sont pas proportionnées à l’objectif poursuivi. Par suite, les syndicats requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l’article 5 de l’arrêté contesté, en tant qu’il prévoit que le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants, sont illégales et doivent, dans cette mesure, être annulées.

Sur les autres moyens de la requête :

10. En premier lieu, l’harmonisation des pratiques de sécurité recherchée par l’uniformisation de la formation de mise à niveau des professionnels des métiers sportifs de la montagne ne saurait avoir pour effet de nuire à leur sécurité. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté contesté méconnaîtrait le  » droit à la sécurité  » des pratiquants ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté.

11. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté fondamentale que constituerait le  » droit individuel à la formation  » n’est, en tout état de cause, pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

12. En troisième lieu, compte tenu des risques inhérents à la pratique de l’alpinisme et activités assimilés, les guides de haute montagne sont placés dans une situation différente de celle des membres des professions réglementées citées par le requérant et des moniteurs de ski. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, faute pour l’arrêté de permettre aux professionnels concernés de choisir librement un prestataire de formation ainsi que le contenu de ladite formation, ne peut qu’être écarté.

13. En quatrième lieu, l’arrêté contesté n’est relatif ni à l’enseignement ni à la scolarité. Ainsi, les moyens tirés de ce qu’il porterait atteinte aux principes de gratuité et de neutralité de l’enseignement ne sauraient être utilement invoqués.

14. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat interprofessionnel de la montagne n’est fondé qu’à demander l’annulation des dispositions de l’article 5 de l’arrêté contesté en tant qu’il prévoit que, lorsque l’organisation du recyclage fait l’objet d’un marché, le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants. En revanche, le surplus des conclusions de sa requête ne peut qu’être rejeté.

D E C I D E :
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Article 1er : L’article 5 de l’arrêté du 29 mars 2018 de la ministre des sports modifiant l’arrêté du 11 mars 2015 relatif au contenu et aux modalités d’organisation du recyclage des titulaires des diplômes de guide de haute montagne est annulé en tant qu’il prévoit que, lorsque l’organisation du recyclage fait l’objet d’un marché, le directeur général de l’Ecole nationale des sports de montagne peut mettre fin à la mission des formateurs intervenant pour le compte des organismes de formation co-contractants.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat interprofessionnel de la montagne est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat interprofessionnel de la montagne et à la ministre des sports.

Régie de remontées mécaniques/ Statut du directeur/ Agent public (solution classique)/ Compétence du juge administratif

Tribunal des Conflits

N° C4177
Inédit au recueil Lebon

M. Ménéménis, président
Mme Domitille Duval-Arnould, rapporteur
M. Pellissier, commissaire du gouvernement

lecture du lundi 13 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 octobre 2019, la lettre par laquelle le greffe de la cour d’appel de Grenoble a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant M. A… à la commune de Saint-Hilaire du Touvet, aux droits de laquelle vient la commune du Plateau-des-petites-roches, devant la juridiction judiciaire ;

Vu l’ordonnance du 16 mai 2018, par laquelle le conseil des prud’hommes de Grenoble, statuant en référé, a déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige et statué au fond ;

Vu le déclinatoire présenté le 29 mars 2019 par le préfet de l’Isère tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente, par le motif que M. A… exerçait les fonctions de directeur de la régie municipale des remontées mécaniques de Saint-Hilaire du Touvet, qui constitue un service public industriel et commercial ;

Vu l’arrêt du 3 septembre 2019 par lequel la cour d’appel de Grenoble, statuant en référé, a rejeté le déclinatoire de compétence et confirmé l’ordonnance du 16 mai 2018 ;

Vu l’arrêté du 18 septembre 2019 par lequel le préfet de l’Isère a élevé le conflit ;

Vu, enregistré le 29 octobre 2019, le mémoire présenté pour la commune du Plateau-des-petites roches, tendant à la confirmation de l’arrêté de conflit, par le motif que le directeur d’un service d’exploitation des remontées mécaniques et pistes de ski, qui constitue un service public industriel et commercial, est nécessairement un agent public, que M. A… a été recruté sur un poste de direction, que ni les termes du contrat de travail rédigé comme un contrat de droit privé renvoyant à une convention collective, ni les énonciations des fiches de paie, ni la référence aux fonctions de chef d’exploitation ne peuvent affecter par eux-mêmes la qualification du contrat, qui n’est pas à la disposition des parties, et que M. A… exerçait effectivement les fonctions de directeur de la régie ;

Vu, enregistré le 22 novembre 2019, le mémoire présenté pour M. A… tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente et à ce que la commune lui verse la somme de 4 000 euros au titre de l’article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, par le motif qu’il n’a exercé que les fonctions de chef d’exploitation et non celles de directeur de la régie, qu’il n’a pas été nommé sur proposition du maire, qu’il n’avait pas de délégation de signature de la part du maire pour toutes les matières intéressant le fonctionnement de la régie, qu’il n’assumait pas la préparation du budget, que sa rémunération n’était pas fixée par le conseil municipal, qu’il n’avait pas le pouvoir de nommer ni de révoquer les agents et employés de la régie, que la directrice générale des services occupait une position hiérarchique supérieure à la sienne, que les missions qui lui étaient confiées étaient des missions d’exécution, que sa rémunération était inférieure à celle des emplois de directeur, qu’il aurait dû avoir une voie consultative aux réunions du conseil d’exploitation et pas seulement le statut d’invité et que la relation contractuelle était régie par le droit social privé ;

Vu, enregistré le 18 décembre 2019, le mémoire présenté par le ministre de l’intérieur tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que M. A… n’exerçait plus, à la date de départ à la retraite de son prédécesseur, les fonctions de chef d’exploitation mais celles de directeur du service public industriel et commercial, qu’il était identifié par lui-même et par ses interlocuteurs comme le directeur de la régie, qu’il nommait et révoquait les agents et employés de la régie conformément à l’article R. 2221-74 du code général des collectivités territoriales, qu’il participait à la préparation du budget et qu’il supervisait les ventes et achats courants ;

Vu, enregistrées le 8 janvier 2020, les observations complémentaires présentées pour M. A… tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par les mêmes motifs que ceux qu’il a développés dans son précédent mémoire ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée au ministre de la justice qui n’a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu la loi 91-647 du 10 juillet 1991, notamment son article 75 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code du tourisme ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme B…, membre du Tribunal,
– les observations de la SCP Zribi, Texier pour M. A… ;
– les observations de la SCP Gaschignard pour la commune du Plateau-des- petites roches ;
– les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

Considérant que, par un contrat de travail à durée indéterminée, M. A… a été embauché par la commune de Saint-Hilaire du Touvet, aux droits de laquelle vient la commune du Plateau-des-petites roches à compter du 1er octobre 2008, en qualité de chef d’exploitation de la régie municipale des remontées mécaniques ; que, par des arrêtés des 5 janvier et 20 novembre 2009, il a été nommé régisseur de recettes pour la régie ; que, par lettre du 22 décembre 2017, la commune lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; que, le 4 avril 2018, M. A… a saisi, en référé, le conseil de prud’hommes de Grenoble d’une demande de condamnation de la commune au paiement d’indemnités provisionnelles consécutives à son licenciement et de remise sous astreinte de certaines pièces ; que la commune a opposé l’incompétence de la juridiction judiciaire ; que, par une ordonnance du 16 mai 2018, le conseil des prud’hommes a déclaré la juridiction judiciaire compétente pour connaître du litige et accueilli la demande de M. A… ;

Considérant que, le 29 mars 2019, le préfet de l’Isère a déposé un déclinatoire de compétence ; que, par un arrêt du 3 septembre 2019, la cour d’appel de Grenoble, statuant en référé, a rejeté le déclinatoire de compétence et confirmé l’ordonnance du 16 mai 2018 ; que, par un arrêté du 18 septembre 2019, le préfet a élevé le conflit ;

Sur la régularité de l’arrêt du 3 septembre 2019 :

Considérant qu’il résulte de l’article 22 du décret du 27 février 2015 que la juridiction qui rejette le déclinatoire de compétence ne peut statuer sur le litige avant l’expiration du délai de quinze jours laissé au préfet pour, s’il l’estime opportun, élever le conflit ; qu’il s’ensuit que l’arrêt du 3 septembre 2019 doit, en toute hypothèse, être déclaré nul et non avenu en tant qu’il confirme l’ordonnance du 16 mai 2018 en ce qu’elle a condamné la commune de Saint-Hilaire du Touvet à payer à M. A… différentes indemnités provisionnelles et ordonné la remise de différentes pièces ;

Sur la compétence

Considérant que, selon l’article L. 342-13 du code du tourisme,  » l’exécution du service des remontées mécaniques et pistes de ski est assurée soit en régie directe, soit en régie par une personne publique sous forme d’un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention à durée déterminée avec l’autorité compétente  » ; que, eu égard à la nature juridique du service assuré par la régie en cause, les litiges individuels concernant ses agents, à l’exception de l’agent chargé de la direction du service public et de l’agent ayant la qualité de comptable public, relèvent de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire ; que, selon l’article R. 2221-68 du code général des collectivités territoriales :  » le directeur assure le fonctionnement des services de la régie. A cet effet : 1° Il prépare le budget ; 2° Il procède, sous l’autorité du maire, aux ventes et aux achats courants, dans les conditions fixées par les statuts ; 3° Il est remplacé, en cas d’absence ou d’empêchement, par un des fonctionnaires ou employés du service, désigné par le maire après avis du conseil d’exploitation  » ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées aux débats que M. A… a été recruté en qualité de chef d’exploitation, en vue de succéder à compter de février 2009 au directeur de la régie, que le règlement intérieur de la régie prévoyait la nomination de son directeur comme régisseur de recettes, que l’intéressé s’est lui-même prévalu de sa qualité de directeur dans différents documents, qu’il en a exercé les attributions et qu’aucun autre agent n’a été nommé en qualité de directeur de la régie ; qu’il doit ainsi être regardé comme ayant assumé les fonctions de directeur de la régie, sans qu’aient d’incidence les circonstances que son contrat de travail n’ait pas été modifié et fasse, comme ses bulletins de salaire, référence à une convention collective et que la commune ait suivi la procédure de licenciement prévue par le code du travail ; qu’il s’ensuit que M. A… ayant la qualité d’agent public, le litige relève de la compétence de la juridiction administrative ; que c’est dès lors à bon droit que le préfet de l’Isère a élevé le conflit ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A… au titre des dispositions de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 18 septembre 2019 par le préfet de l’Isère est confirmé.

Article 2 : Sont déclarées nuls et non avenus la procédure engagée par M. A… contre la commune de Saint-Hilaire du Touvet, aux droits de laquelle vient la commune du Plateau-des-petites-roches, et l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 3 septembre 2019.

Article 3 : La demande présentée par M. A… au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A…, à la commune du Plateau-des-petites-roches, au préfet de l’Isère et au ministre de l’intérieur.

Saisonniers britanniques/ Conditions de travail et d’hébergement/Condamnation de l’employeur (cassation)

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 10 décembre 2019
N° de pourvoi: 18-84737
Non publié au bulletin Cassation

M. Soulard (président), président
SCP Foussard et Froger, avocat(s)
________________________________________

Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

N° C 18-84.737 F-D

N° 2487

CK
10 DÉCEMBRE 2019

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

La société Tui UK Limited a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 16 mai 2018, qui pour infraction à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs, paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance et non remise de bulletin de paie conforme, l’a condamnée à onze amendes de 1 500 euros, vingt amendes de 1 500 euros et une amende de 450 euros et a prononcé sur les intérêts civils.

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 29 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CROIZIER ;

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué, du rapport de l’inspection du travail, base des poursuites, et des autres pièces de procédure ce qui suit.

2. Le procureur de la République d’Albertville a requis au cours de l’année 2014 les gendarmes de la brigade de Bozel, assistés par les services de l’inspection du travail d’Albertville, de procéder au contrôle en matière de droit du travail de l’hôtel […] à Courchevel.

3. L’enquête, qui a donné lieu à l’établissement d’un rapport de l’inspection du travail du 18 mai 2015, a permis d’établir que ledit hôtel accueille durant la saison d’hiver une clientèle britannique et employait au cours des mois de janvier à mars 2014 des travailleurs saisonniers de la même nationalité, ayant conclu des contrats de travail de droit britannique et attributaires de certificats A1 attestant de ce qu’ils bénéficiaient d’une protection sociale en Grande-Bretagne.

4. Il est apparu que l’hôtel est exploité en location-gérance sous l’enseigne commerciale Flexi-ski par un tour opérateur, la société de droit britannique Tui UK Limited, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Chambéry depuis le 20 avril 1998.

5. A l’issue de l’enquête, qui a notamment révélé des insuffisances en matière de prévention des risques d’incendies et d’évacuation des salariés, le ministère public a fait citer la société Tui UK Limited pour y répondre des délits d’hébergement de travailleurs dans un local non conforme et de paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, et de la contravention de non remise de bulletin de paie conforme.

6. Par jugement du 16 mars 2017, le tribunal correctionnel a déclaré les faits établis, a condamné la prévenue à des peines et a prononcé sur les intérêts civils.

7. La prévenue et le ministère public ont interjeté appel de cette décision le 21 mars 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article préliminaire, des articles 460, 512, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif.

9. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d’Albertville en date du 16 mars 2017 en ce qu’il a déclaré la société Tui UK Limited coupable des faits qui lui sont reprochés, pour les faits d’hébergement de travailleur dans un local non conforme, pour les faits de paiement par employeur d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance et pour les faits de non remise d’un bulletin de paie conforme et, infirmant le jugement, a condamné la société Tui UK Limited au versement de vingt amendes de 1 500 euros pour lesdits faits de paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, condamné la société Tui UK Limited au paiement d’une amende contraventionnelle de 450 euros au titre de l’infraction de non remise de bulletin de paie conforme et statué sur les intérêts civils » ;

« alors que « le prévenu ou son avocat doit toujours avoir la parole en dernier ; qu’en statuant sur le déroulement des débats sans constater qu’en l’absence de la société Tui UK Limited, son conseil avait eu la parole en dernier, les juges du fond ont violés les textes susvisés ».

Réponse de la Cour

10. L’arrêt mentionne qu’après la constatation de l’absence de la prévenue par le président, le rapport d’un conseiller, les observations d’un inspecteur du travail et les réquisitions du ministère public, Me Carnelutti, avocat de la prévenue, a été entendu en sa plaidoirie, puis que le président a annoncé la date à laquelle l’arrêt serait prononcé.

11. Il résulte de ces mentions que l’ordre de parole prévu par l’article 513 alinéa 4 du code de procédure pénale a été respecté.

12. Ainsi, le moyen manque en fait.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen est pris de la violation des articles 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs.

14. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d’Albertville en date du 16 mars 2017 en ce qu’il a déclaré la société Tui UK Limited coupable des faits qui lui sont reprochés, pour les faits d’hébergement de travailleur dans un local non conforme, pour les faits de paiement par employeur d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance et pour les faits de non remise d’un bulletin de paie conforme et, infirmant le jugement, a condamné la société Tui UK Limited au versement de vingt amendes de 1 500 euros pour lesdits faits de paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, condamné la société Tui UK Limited au paiement d’une amende contraventionnelle de 450 euros au titre de l’infraction de non remise de bulletin de paie conforme et statué sur les intérêts civils » ;

1°) alors qu’en application de l’article 121-2 du code pénal la responsabilité d’une personne morale ne peut être engagée que si une infraction a été commise pour son compte par un de ses organes ou par une personne physique disposant d’un pouvoir de direction et d’engager la personne morale à l’égard des tiers, agissant en qualité de représentant de celle-ci ; qu’en énonçant que les infractions relevées résultent nécessairement de manquements commis par le représentant de la société Tui UK Limited en matière de politique salariale et de gestion du personnel, par son représentant en charge de la gestion administrative ou comptable du personnel et par son représentant en matière de sécurité et santé du personnel, dans l’exercice de leurs missions pour le compte de cette dernière, quand il résultait de ses constatations que rien ne permettait de déterminer quelle personne physique avait la qualité de représentant dans ces domaines, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

2°) alors qu’en tout état, en se bornant à relever que les infractions caractérisées résultent nécessairement de manquements commis par le représentant de la société Tui UK Limited en matière de politique salariale et de gestion du personnel, par son représentant en charge de la gestion administrative ou comptable du personnel et par son représentant en matière de sécurité et santé du personnel, dans l’exercice de leurs missions pour le compte de cette dernière, sans identifier l’organe ou le représentant qui aurait commis une faute pour le compte de la société Tui UK Limited, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

15. Selon le premier de ces textes, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

16. Aux termes du second de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

17. Pour dire établies les infractions d’hébergement de travailleurs dans un local non conforme, paiement d’un salaire inférieur au salaire minimum de croissance, et non remise de bulletin de paie conforme, les juges retiennent que ces infractions ont été commises par les responsables en matière de gestion administrative ou comptable du personnel, en matière de politique salariale et de gestion du personnel et encore en matière de sécurité et santé du personnel.

18. En se déterminant ainsi, par des motifs qui n’identifient pas l’organe ni la ou les personnes physiques représentant la personne morale pour le compte de laquelle les infractions reprochées auraient été commises, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Chambéry, en date du 16 mai 2018, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
________________________________________

ECLI:FR:CCASS:2019:CR02487
Analyse
Décision attaquée : Cour d’appel de Chambéry , du 16 mai 2018

Arrêtés Plan Loup (2018)/ Prélèvement 10% (+ 2%)/ Viabilité de l’espèce/ Légalité

Conseil d’État

N° 419897
ECLI:FR:Code Inconnu:2019:419897.20191218
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème – 5ème chambres réunies
Mme Airelle Niepce, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public

Lecture du mercredi 18 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 419897, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 16 avril 2018 et 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 19 février 2018 du ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l’agriculture et de l’alimentation fixant le nombre maximum de spécimens de loup (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 420024, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association One Voice demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 19 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

3° Sous le n° 420098, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 avril 2018 et 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association France Nature Environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux et l’association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 19 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune des associations requérantes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– la Constitution, notamment son Préambule ;
– la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
– le code de l’environnement ;
– l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes, formées respectivement par l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), l’association One Voice et l’association France Nature Environnement (FNE) et autres, tendent à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 19 février 2018 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D’une part, l’article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive  » Habitats  » prévoit que :  » 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (…) « . Le loup est au nombre des espèces figurant au point a) de l’annexe IV de la directive. L’article 16 de la même directive énonce toutefois que :  » 1. A condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des article 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) : (…) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété « .

3. D’autre part, aux termes du I de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive  » Habitats  » :  » Lorsqu’un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l’écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (…) d’espèces animales non domestiques (…) et de leurs habitats, sont interdits : 1° (…) la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces (…) « . Aux termes de l’article L. 411-2 du même code, pris pour la transposition de l’article 16 de la même directive :  » Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (…) ainsi protégés ; 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l’article L. 411-1 ; 3° La partie du territoire sur laquelle elles s’appliquent (…) ; 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage (…) et à d’autres formes de propriété « .

4. Enfin, pour l’application de ces dernières dispositions, l’article R. 411-1 du code de l’environnement prévoit que la liste des espèces animales non domestiques faisant l’objet des interdictions définies à l’article L. 411-1 est établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l’agriculture. L’article R. 411-6 du même code précise que  » Les dérogations définies au 4° de l’article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / (…) « . Son article R. 411-13 prévoit que les ministres chargés de la protection de la nature et de l’agriculture fixent par arrêté conjoint pris après avis du Conseil national de la protection de la nature  » (…) / 2° Si nécessaire, pour certaines espèces dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département, les conditions et limites dans lesquelles les dérogations sont accordées afin de garantir le respect des dispositions du 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement « .

5. Dans ce cadre et aux fins de mise en oeuvre du plan national d’action 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage, l’article 2 de l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus), pris sur le fondement de l’article R. 411-13 du code de l’environnement, prévoit que le nombre maximum de loups dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé chaque année selon des modalités prévue par arrêté ministériel. Sur le fondement de ces dispositions, l’article 1er de l’arrêté attaqué fixe à 40 le nombre maximum de loups pouvant être détruits au cours de l’année civile 2018 tout en prévoyant une actualisation ce nombre en cours d’année pour qu’il corresponde à 10 % de l’effectif moyen de l’espèce tel que calculé au printemps 2018. Son article 2 fixe, pour les années civiles suivantes, ce nombre à 10 % de l’effectif moyen de l’espèce tout en prévoyant un dépassement possible de ce plafond correspondant à 2 % de cet effectif moyen pour les tirs de défense simple comme renforcée lorsque le plafond de 10 % est atteint avant la fin de l’année civile. Son article 3 prévoit une possibilité de déroger au double plafond ainsi fixé pour mettre en oeuvre des tirs de défense simple aux fins de protection des troupeaux. Enfin, ses articles 4 et 5 précisent les conditions de détermination de l’effectif moyen de loup ainsi que les conditions de calcul du nombre de loups pouvant être détruits en conséquence.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté attaqué :

6. Aux termes de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement applicable en l’espèce :  » I. – Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. (…) / II. – Sous réserve des dispositions de l’article L. 123-19-6, le projet d’une décision mentionnée au I, accompagné d’une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique (…). / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. / Dans le cas où la consultation d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations et propositions du public lui est transmise préalablement à son avis. / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. / (…) « .

7. En premier lieu, le défaut de publication de la synthèse des observations du public ainsi que des motifs de l’arrêté attaqué est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de celui-ci. Le moyen tiré sur ces points d’une méconnaissance de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement ne peut, dès lors, qu’être écarté.

8. En deuxième lieu, la circonstance que la majorité des observations formulées à l’occasion de la consultation du public organisée aient été défavorables au projet et que celui-ci n’ait pas été modifié en conséquence n’est pas de nature à rendre illégal l’arrêté attaqué.

9. En troisième lieu, d’une part, si les dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, qui précisent les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement est applicable à certains actes réglementaires de l’Etat ayant une incidence directe et significative sur l’environnement, impliquent que ces projets d’acte fassent l’objet d’une publication préalable permettant au public de formuler des observations, elles n’imposent de procéder à une nouvelle publication pour recueillir des observations du public sur les modifications qui sont ultérieurement apportées au projet de décision, au cours de son élaboration, que lorsque celles-ci ont pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public. D’autre part, l’organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l’intervention d’une décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevées par cette décision. Par suite, l’administration ne peut valablement se fonder sur l’avis émis par un tel organisme mais doit le consulter de nouveau si les circonstances de fait et de droit au regard desquelles elle prend sa décision se sont modifiées depuis cet avis ou si cette décision soulève une question nouvelle sur laquelle l’organisme n’a pas été mis à même de se prononcer.

10. Il ressort des pièces du dossier que le projet d’arrêté soumis à la consultation du public entre le 8 et le 29 janvier 2018, en application des dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, et à l’avis du Conseil national de la protection de la nature, en application de l’article R. 413-1 du même code, déterminait, d’une part, à ses articles 1er et 2, pour l’année civile 2018 et pour les années suivantes, deux plafonds représentant 10 % puis 2 % supplémentaire de la population estimée de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction peut être autorisée et prévoyait, d’autre part, à son article 3, une possibilité de déroger à ces deux plafonds cumulés, pour autoriser des tirs de défense simple, afin d’assurer en permanence la protection des troupeaux domestiques  » en cas de situation exceptionnelle « . Toutefois, l’arrêté publié, bien que ne modifiant pas les dispositions des articles 1er et 2, prévoit, à son article 3 la possibilité d’autoriser des tirs de défense simple, au-delà des deux plafonds cumulés que ces deux articles prévoient afin d’assurer en permanence la protection des troupeaux domestiques  » en cas d’atteinte des plafonds de destruction mentionnés aux articles 1er et 2 « . Or, si cette modification conduit à donner un champ d’application plus large à la possibilité d’autoriser des tirs de défense simple au-delà des plafonds fixés aux articles 1er et 2 afin de permettre la protection des troupeaux tout au long de l’année civile, elle ne conduit pas à modifier la nature du projet soumis à consultation publique, ni à poser une question nouvelle. Par suite, les moyens tirés d’une méconnaissance de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement et de l’article R. 411-13 du même code, faute qu’une nouvelle consultation du public et du Conseil national de la protection de la nature ait été réalisée doivent être écartés.

11. Enfin, ni les dispositions de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit la consultation obligatoire de l’Agence française pour la biodiversité préalablement à l’adoption de l’arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de sa procédure d’adoption sur ce point ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l’arrêté attaqué :

S’agissant des moyens tirés de la méconnaissance de la Charte de l’environnement, des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement et de l’article 515-14 du code civil :

12. En premier lieu, d’une part, les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, qui ont notamment pour objet de mettre en oeuvre les objectifs de protection de l’environnement reconnus par la Charte de l’environnement, prévoient expressément la possibilité de déroger, sous certaines conditions, à l’interdiction de destruction de certaines espèces protégées. D’autre part, la possibilité de recourir, dans ce cadre, à des tirs de destruction du loup ne résulte pas des dispositions de l’arrêté attaqué mais de celles de l’arrêté du même jour fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. Par suite, les moyens tirés de ce que l’arrêté attaqué, en ce qu’il conduit à autoriser la destruction d’animaux sans que le bien fondé et le caractère proportionné des tirs de destruction ne soient établis, méconnaîtrait le principe de conciliation défini à l’article 6 de la Charte de l’environnement et les dispositions de l’article L. 110-2 du code de l’environnement, le troisième considérant de la Charte de l’environnement aux termes duquel  » l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains « , les objectifs de développement durable et du droit des générations futures posés par le II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement et l’article 515-14 du code civil reconnaissant aux animaux la qualité d’  » êtres vivants doués de sensibilité « , ainsi qu’une obligation de vigilance environnementale qui découlerait des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement et le principe de précaution tel que défini au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement sont sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué.

13. En deuxième lieu, si l’association One Voice soutient que l’arrêté attaqué méconnaîtrait une obligation de vigilance environnementale qui découlerait des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement ainsi que le principe de précaution tel que défini par le 2° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les risques invoqués pour la viabilité de l’espèce, qui sont des risques par hypothèse connus, s’agissant d’une règlementation ayant pour objet d’organiser les conditions de mise en oeuvre de dérogation au principe de protection des espèces protégées et de leurs habitats résultant de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 et des articles L. 411-1 et suivants du code de l’environnement pris pour sa transposition, ne sont pas au nombre de ceux, mentionnés au 1° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, présentant des incertitudes quant à leur réalité et à leur portée en l’état des connaissances scientifiques. Dès lors, le moyen soulevé ne peut en tout état de cause qu’être écarté.

14. Enfin, si l’association One Voice invoque une méconnaissance des principes d’action préventive et de correction, de solidarité écologique, d’utilisation durable et de complémentarité, tels que définis respectivement aux 2°, 6°, 7° et 8° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, elle n’assortit en tout état de cause pas ces moyens des précisions nécessaires pour permettre d’en apprécier le bien-fondé.

S’agissant des moyens tirés de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement :

15. Les associations requérantes soutiennent que l’arrêté attaqué méconnaît l’article L. 411-2 du code de l’environnement, dès lors qu’il ne respecte pas l’une des trois conditions auxquelles est subordonné l’octroi de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, tenant au maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable dans son aire de répartition naturelle.

16. En premier lieu, le premier alinéa de l’article 1er de l’arrêté attaqué dispose que  » Pour l’application de l’article 2 de l’arrêté du 19 février 2018 susvisé, le nombre maximum de spécimens de loups (mâles ou femelles, jeunes ou adultes) dont la destruction est autorisée, en application de l’ensemble des dérogations qui pourront être accordées par les préfets, est fixé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018 à 40 loups. / Il est actualisé au printemps de l’année 2018, une fois connu l’effectif moyen de loups estimé annuellement dans les conditions fixées à l’article 5. Il correspond alors à 10 % de cet effectif « .

17. Si les associations requérantes soutiennent que l’effet combiné de ces dispositions avec celles de l’article 1er de l’arrêté du 18 juillet 2017 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2017-2018, qui avaient fixé à quarante le nombre maximum de loups dont la destruction pouvait être autorisée entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018 est susceptible de conduire à la destruction d’une proportion de l’effectif moyen de loups très nettement supérieure à 10 % pour l’année 2018 et de mettre, ce faisant, en péril l’état de conservation favorable de l’espèce, il résulte des termes mêmes du second alinéa de l’article 1er de l’arrêté attaqué que le nombre initial de quarante loups dont la destruction peut être autorisée au cours de l’année civile 2018 doit être actualisé en fonction de l’effectif moyen de loups estimé au printemps de cette année afin de correspondre à 10 % de cet effectif moyen. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, sur ce point, doit donc être écarté.

18. En deuxième lieu, il est soutenu que le plafond de 10 % de la population moyenne estimée de loups dont la destruction est autorisée en application de l’arrêté attaqué permet uniquement de garantir une stagnation des effectifs de l’espèce et non sa viabilité à long terme conformément aux objectifs de la directive du 21 mai 1992. Cependant, il ressort des pièces du dossier et en particulier de l’expertise collective réalisée par le Muséum national d’histoire naturelle et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, rendue publique le 7 mars 2017, que si, en l’état des données concernant la population de loups et des connaissances scientifiques relatives à son évolution probable, le seuil de prélèvements permettant de garantir une stabilité des effectifs de l’espèce se situerait autour de 10 % de ceux-ci, les incertitudes entourant ces conditions d’évolution de la population de loups conduisent cette expertise à admettre également un taux de mortalité de 12% supplémentaire par rapport au taux de mortalité  » naturel  » de l’espèce. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les effectifs de loups ont sensiblement augmenté au cours des dernières années malgré un taux de prélèvement, dans le cadre des dérogations accordées sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, égal ou légèrement supérieur à 10 % en corrélation avec une augmentation continue du nombre de zones de présences permanentes et du nombre de meutes. Ainsi, la population de loups sur le territoire national, estimée entre 206 et 358 spécimens au début de la saison 2015-2016, était estimée entre 387 et 477 spécimens en début d’année 2018. Sur la même période, le nombre de zones de présence permanente est passé de 49 à 74 et le nombre de meutes de 30 à 57. Au demeurant, la portée comme la légalité du seuil de 10 % retenu par l’arrêté attaqué doivent être appréciées au regard de l’ensemble du dispositif réglementaire mis en place, et en particulier de l’arrêté de l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. Ces seuils ne constituent ainsi que des plafonds dans le cadre desquels il appartient au préfet d’apprécier, en fonction des circonstances locales, si des dérogations peuvent être autorisées aux regard des conditions posées à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, en vérifiant qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que les mesures envisagées, qui doivent être proportionnées à l’objectif de protection des élevages, ne nuisent pas au maintien de la population des loups, au sein de son aire de répartition naturelle, dans un état de conservation favorable. Par suite, la fixation du nombre de spécimens de loups pouvant être détruits chaque année par référence à un plafond correspondant à 10 % de l’effectif moyen de la population de l’espèce, calculé selon une méthodologie scientifique précisée aux articles 4 et 5 de l’arrêté attaqué, ne méconnaît pas, par elle-même, les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

19. En troisième lieu, le I de l’article 2 de l’arrêté prévoit qu’à compter du 1er janvier 2019, le nombre maximum de loups dont la destruction pourra être autorisée au cours d’une année civile correspond à 10 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement dans les conditions fixées à l’article 5. Le II de cet article précise que le nombre d’animaux résultant de l’application de ce pourcentage doit être actualisé en fonction de l’effectif moyen de loups estimé au printemps. Enfin, le III de cet article dispose que :  » La mise en oeuvre de tirs de défense (simple ou renforcée) pouvant conduire à l’abattage de spécimens de loups peut être autorisée dans la limite de 2 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement, lorsqu’est atteint, avant la fin de l’année civile, le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction est autorisée en application du I et du II « .

20. Ainsi qu’il a été dit au point 18, il ressort en particulier de l’expertise collective réalisée par le Muséum national d’histoire naturelle et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qu’en l’état des données concernant la population de loups et des connaissances scientifiques relatives à son évolution probable un taux de prélèvement de l’ordre de 12 % des effectifs de la population peut être admis pour garantir une stabilité des effectifs de l’espèce. Par suite, si l’arrêté attaqué permet le cas échéant, et pour la seule mise en oeuvre de tirs de défense, simple comme renforcée, d’atteindre un taux de prélèvement correspondant à 12 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement, cette seule circonstance, alors que, ainsi qu’il a été dit au point 18, il appartient toujours au préfet, avant d’autoriser la mise en oeuvre de tels tirs, de vérifier si les conditions d’octroi de dérogations à l’interdiction de destruction d’espèces protégées prévues à l’article L. 411-2 du code de l’environnement sont respectées, ne peut être regardée comme conduisant, par elle-même, à une méconnaissance de ces dernières dispositions.

21. En quatrième lieu, l’article 3 de l’arrêté attaqué dispose que :  » En cas d’atteinte des plafonds de destruction mentionnés aux articles 1er et 2, les tirs de défense simple peuvent être autorisés afin d’assurer en permanence la protection des troupeaux domestiques. / Si des loups sont détruits en application de cette disposition et si l’évolution de la dynamique de la population de loups le nécessite, il en est tenu compte l’année suivante pour la mise en oeuvre du présent arrêté ainsi que pour la mise en oeuvre du II de l’article 20 de l’arrêté du 19 février 2018 susvisé « .

22. Ces dispositions permettent au préfet d’autoriser des tirs de défense simple au-delà des plafonds cumulés de 10 et 2% supplémentaires, fixés par les articles 1er et 2 de l’arrêté attaqué. Si cette faculté d’autoriser des tirs supplémentaires se présente comme destinée à assurer la protection des troupeaux, cette condition est par hypothèse remplie au regard des conditions de mise en oeuvre des tirs de défense simple résultant en particulier de l’article 13 de l’arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup. L’article 3 de l’arrêté attaqué permet d’autoriser des tirs de défense au-delà des plafonds résultant des articles 1er et 2 sans qu’aucune limite quantitative ne soit fixée, non plus qu’aucune autre condition de nature à encadrer cette possibilité. Faute d’un tel encadrement, les dispositions de l’article 3 de l’arrêté attaqué ne permettent pas de s’assurer que les dérogations susceptibles d’être accordées sur le fondement de cet article par le préfet ne portent pas atteinte, en l’état des connaissances prévalant à la date de l’arrêté attaqué, à l’état de conservation favorable du loup dans son aire de répartition naturelle. Les associations requérantes sont, par suite, fondées à soutenir que ces dispositions méconnaissent les dispositions de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes dirigés contre cet article, ne sont fondées à demander l’annulation pour excès de pouvoir que de l’article 3 de l’arrêté qu’elles attaquent.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

24. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’ASPAS, qui n’a pas eu recours au ministère d’un avocat et n’a pas justifié des frais qu’elle aurait exposés, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à verser à l’association One Voice et à l’association France Nature Environnement et autres au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’article 3 de l’arrêté du 19 février 2018 fixant le nombre maximum de spécimens de loup (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année est annulé.
Article 2 : L’Etat versera à l’association One Voice et à l’association France Nature Environnement et autres une somme de 2 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’Association pour la protection des animaux sauvages, à l’association One Voice, et à l’association France Nature Environnement, désignée représente unique pour la requête n° 420098, à la ministre de la transition écologique et solidaire et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Concessions de remontées mécaniques/ Biens de retour (approche extensive – Confirmation)/ Dérogations conventionnelles (non)

CAA de MARSEILLE

N° 18MA03183
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. ZUPAN, président
Mme Christine MASSE-DEGOIS, rapporteur
M. THIELÉ, rapporteur public
COTTIN, avocat

lecture du lundi 16 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille, d’annuler, d’une part, les délibérations des 30 octobre 2013 puis 28 juillet 2014 par lesquelles la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye a approuvé le protocole d’accord portant sur la reprise de la station de sports d’hiver de Sauze – Super Sauze et, d’autre part, la délibération du 9 novembre 2013 par laquelle la commune d’Enchastrayes a approuvé la contribution financière qu’elle s’est engagée à verser dans le cadre du protocole relatif à la reprise de cette station.

Par deux jugements du 18 août 2015, rendus respectivement sous les nos 1403085, 1407888 et sous le n° 1403072, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces déférés préfectoraux.

Par un arrêt n° 15MA04083, 15MA04084 du 9 juin 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel du préfet des Alpes-de-Haute-Provence, annulé l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1403085, 1407888 du 18 août 2015 ainsi que la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 30 octobre 2013 puis rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision n° 402251 du 29 juin 2018, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi formé par le ministre de l’intérieur, a annulé l’article 3 de cet arrêt en tant qu’il a statué sur les conclusions du préfet des Alpes-de-Haute-Provence tendant à l’annulation des délibérations du conseil municipal d’Enchastrayes du 9 novembre 2013 et du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 28 juillet 2014 et a renvoyé l’affaire, dans cette mesure, devant la cour administrative d’appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par deux requêtes et un mémoire complémentaire enregistrés initialement sous le n° 15MA04083 et le n° 15MA04084 le 19 octobre 2015 et le 21 avril 2016 puis, après renvoi par le Conseil d’Etat, par un mémoire enregistré sous le n° 18MA03183 le 20 juin 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1403072 du tribunal administratif de Marseille du 18 août 2015 et le jugement nos 1403085, 1407888 du 18 août 2015 ;

2°) d’annuler la délibération du conseil municipal d’Enchastrayes du 9 novembre 2013 et la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 28 juillet 2014.

Il soutient que :

– ses requêtes en appel ne sont pas tardives ;
– le jugement attaqué comporte une motivation insuffisante en réponse à son moyen tiré de l’illégalité du protocole d’accord litigieux, en ce que ce dernier met à la charge de la commune d’Enchastrayes une contribution financière sous la forme d’un fonds de concours ;
– le protocole d’accord litigieux soumet illégalement les biens concernés, en totalité, au régime des biens de reprise, alors qu’il s’agit de bien de retour ; cette qualification prévaut, selon la décision du conseil d’Etat du 29 juin 2018, y compris pour les biens préexistant à la concession de service public dès lors qu’ils sont apportés, pour l’exécution de celle-ci, par le concessionnaire ;
– en acceptant de conclure la concession, le propriétaire de tels biens en accepte l’affectation au fonctionnement du service public, raison pour laquelle la haute juridiction les a qualifiés de biens de retour durant la concession et à la fin de celle-ci ;
– contrairement à ce que soutiennent les consorts I…, l’ensemble des biens nécessaires au fonctionnement du service et mis à sa disposition sont concernés par la décision du Conseil d’Etat ;
– le protocole d’accord contesté indemnise le retour des biens à leur valeur vénale et non à leur valeur nette comptable, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 342-3 du code du tourisme ; la valeur commerciale des biens devenus biens de retour nécessaires à l’activité du service public est indifférente dans la logique de la concession ;
– le protocole met illégalement une contribution financière à la charge de la commune d’Enchastrayes ;
– celle-ci n’a pas plus de compétence en matière de création, d’aménagement, de gestion et d’exploitation des remontées mécaniques, ni en matière de tourisme ;
– les dispositions de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales ne l’autorisent pas à contribuer au rachat des biens dont s’agit au titre d’un fonds de concours ;
– ces mêmes dispositions ne lui permettent pas d’assurer seule, par ce moyen, le financement de ce rachat ;
– les délibérations attaquées ne font pas état de la constitution d’un fonds de concours ;
– la contribution financière approuvée par la délibération du 9 novembre 2013 est illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2016 sous le n° 15MA04083 et, après renvoi par le Conseil d’Etat, par des mémoires enregistrés les 11 avril et 13 juin 2019 sous le n° 18MA03183, la société I…, M. B… I…, l’indivision C… I… et la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze, site SERMA, représentés par Me E…, concluent au rejet des requêtes du préfet des Alpes-de-Haute-Provence et à ce que soit mis à la charge de l’Etat le versement à chacun d’eux de la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :
– le protocole d’accord litigieux ne contrevient pas aux principes posés par la décision du Conseil d’Etat du 29 juin 2018 ;
– la société I…, délégataire du service public, étant simplement locataire des biens en cause, propriétés de M. B… I…, de la société SERMA et de l’indivision C… I…, ces biens ne sauraient en tout état de cause être qualifiés de biens de retour ;
– la convention conclue le 28 décembre 1998 avait prévu en son article 24 que l’autorité délégante pourrait, en fin de contrat, reprendre les biens, équipements et installations de l’exploitant moyennant une indemnité et l’avenant n° 3 du 18 novembre 2011 a fixé l’indemnité, à la suite d’un accord, à la somme de 5 000 000 euros ;
– en l’absence de versement de cette indemnité, d’où ne résulte aucune libéralité consentie par la collectivité publique, le contrat se révèlerait déséquilibré et le consentement du concessionnaire vicié ;
– même amortie comptablement, une remontée mécanique conserve une valeur vénale importante ;
– les travaux réalisés en 2012 à la demande de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, consistant en la construction d’un nouveau télésiège débrayable, n’ont pas pu être amortis compte-tenu de la durée restante de la concession.

Par un mémoire en défense enregistré 23 décembre 2015 sous le n° 15MA04083 et, après renvoi par le Conseil d’Etat, par des mémoires enregistrés les 27 mai, 20 juin et 22 novembre 2019 sous le n° 18MA03183, la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, représentée par Me A…, demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions, d’annuler les délibérations des 9 novembre 2013 et 28 juillet 2014.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
– les biens faisant objet du protocole litigieux, nécessaires au fonctionnement du service public, relèvent de la catégorie des biens de retour et ne pouvaient, en conséquence, donner lieu à une indemnisation calculée en fonction de leur valeur vénale ;
– il n’y a pas lieu de distinguer les biens appartenant à la société I… Frères de ceux qui sont la propriété de tiers dès lors qu’ils ont tous été affectés au fonctionnement du service public ;
– contrairement à ce que soutiennent les consorts I…, les parties ne peuvent convenir que des biens nécessaires au fonctionnement d’un service public restant la propriété du délégataire ou de tiers à l’expiration de la durée de la convention.

La société I…, M. B… I…, l’indivision C… I… et la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze, dite SERMA, ont présenté le 28 novembre 2019 un mémoire qui, dépourvu d’éléments nouveaux, n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code du tourisme ;
– la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme H… J…, rapporteure,
– les conclusions de M. F… Thiele, rapporteur public,
– et les observations de Me G… représentant la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye et de Me E… pour la société I…, M. B… I…, l’indivision C… I… et la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze.

Considérant ce qui suit :

1. La station de ski Sauze – Super Sauze, située sur le territoire de la commune d’Enchastrayes, a été créée, aménagée puis exploitée, à partir des années 1930, par différentes personnes privées sur des terrains leur appartenant ou dont ils avaient la jouissance. Postérieurement à l’intervention de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, désormais codifiée, qui a qualifié de service public le service des remontées mécaniques et en a confié aux communes ou à leurs groupements l’organisation et l’exécution, tout en laissant une période de quatorze ans pour mettre en conformité avec la loi les conventions antérieurement conclues ou les autorisations d’exploiter antérieurement accordées pour l’exécution du service des remontées, a été conclue le 28 décembre 1998 entre la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye et la société I… Frères, une convention de délégation de service public pour l’aménagement du domaine skiable et l’exploitation des remontées mécaniques du Sauze – Super Sauze – La Rente sur la commune d’Enchastrayes, d’une durée de quatorze ans. A l’expiration de cette convention, et après avoir déclaré infructueuse la procédure de mise en concurrence lancée en vue de la conclusion d’une nouvelle délégation de service public, le conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye a, par une délibération du 13 juin 2013, décidé la reprise en régie de l’exploitation. S’agissant des biens affectés à l’exploitation du service public, leur remise à la communauté de communes a été ordonnée à la société I… Frères par une ordonnance du juge de référés du tribunal administratif de Marseille du 29 juillet 2013. Les parties, ainsi que la commune d’Enchastrayes et des tiers ayant disposé de droits sur les biens en cause, ont recherché un accord amiable afin d’arrêter l’inventaire et l’évaluation de ces biens. Un protocole a été approuvé par deux délibérations successives du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, en dates des 30 octobre 2013 puis 28 juillet 2014, prévoyant notamment le rachat des biens en cause par cet établissement public de coopération intercommunale pour un montant total de 3 700 000 euros hors taxes, dont 1 200 000 euros hors taxes à verser, en une seule fois, par la commune d’Enchastrayes, le conseil municipal de celle-ci ayant de son côté approuvé le principe d’une telle contribution financière par une délibération du 9 novembre 2013.

2. Estimant ces délibérations illégales, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence les a déférées devant le tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté ses requêtes par deux jugements du 18 août 2015. Par un arrêt du 9 juin 2016, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé la délibération du 30 octobre 2013 et rejeté le surplus des conclusions des parties. Sur pourvoi du ministre de l’intérieur, le Conseil d’Etat a, par une décision n° 402251 du 29 juin 2018, annulé l’article 3 de l’arrêt du 9 juin 2016 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a ainsi rejeté les déférés du préfet visant la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 28 juillet 2014 et la délibération du conseil municipal d’Enchastrayes du 9 novembre 2013, en renvoyant l’affaire, dans cette mesure, devant la Cour.

Sur les règles applicables aux biens de la concession :

3. Dans le cadre d’une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition, à la personne publique. Le contrat peut attribuer au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d’une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s’opposer à la cession, en cours de concession, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée.

4. A l’expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d’une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession.

5. Lorsque la convention arrive à son terme normal ou que la personne publique la résilie avant ce terme, le concessionnaire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, en application des principes énoncés ci-dessus, lorsqu’ils n’ont pu être totalement amortis, soit en raison d’une durée du contrat inférieure à la durée de l’amortissement de ces biens, soit en raison d’une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement. Lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne saurait en toute hypothèse excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus.

6. Les règles énoncées ci-dessus, auxquelles la loi du 9 janvier 1985 n’a pas entendu déroger, trouvent également à s’appliquer lorsque le cocontractant de l’administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu’il a, en acceptant de conclure la convention, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci. Une telle mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions énoncées au point 4. Elle a également pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l’expiration de la convention, dans les conditions énoncées au point 5. Les parties peuvent prendre en compte cet apport dans la définition de l’équilibre économique du contrat, à condition que, eu égard notamment au coût que représenterait l’acquisition ou la réalisation de biens de même nature, à la durée pendant laquelle les biens apportés peuvent être encore utilisés pour les besoins du service public et au montant des amortissements déjà réalisés, il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique.

7. Dans l’hypothèse où la commune intention des parties a été de prendre en compte l’apport à la concession des biens qui appartenaient au concessionnaire avant la signature du contrat par une indemnité, le versement d’une telle indemnité n’est possible que si l’équilibre économique du contrat ne peut être regardé comme permettant une telle prise en compte par les résultats de l’exploitation. En outre, le montant de l’indemnité doit, en tout état de cause, être fixé dans le respect des conditions énoncées ci-dessus afin qu’il n’en résulte aucune libéralité de la part de la personne publique.

8. En l’espèce, il ressort du dossier que les biens affectés au service public des remontées mécaniques de la station de ski Sauze – Super Sauze par la société I… Frères, seule cocontractante de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, et nécessaires à son fonctionnement, sont pour partie propriétés de cette société et pour partie propriétés de la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze, dite SERMA, de l’indivision C… I…, de l’indivision D… I… et de M. B… I….

9. En application des règles énoncées ci-dessus, les biens dont la société I… Frères était propriétaire avant la signature de la délégation de service public, qu’elle a affectés au fonctionnement du service public et qui étaient nécessaires à celui-ci, ont fait retour dans le patrimoine de la personne publique à l’expiration du contrat. S’agissant des biens qui, acquis dans le cadre de la concession, n’auraient pas été totalement amortis, la société I… Frères peut seulement, si elle s’y croit fondée, demander l’indemnisation du préjudice qu’elle estime subir à raison de leur retour à titre gratuit dans le patrimoine de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye. Ainsi, les délibérations contestées n’ont pu légalement approuver les termes du protocole d’accord envisagé par les parties, stipulant le rachat des biens en cause au prix de leur valeur vénale résiduelle.

10. Le régime des contrats de concession de service public exclut en revanche de la catégorie des biens de retour, dans le silence des clauses contractuelles, ceux appartenant à des tiers alors même qu’ils ont été mis à la disposition du concessionnaire, sous quelque forme que ce soit, pour être affectés à l’exploitation du service, fussent-ils nécessaires à son fonctionnement. L’illégalité relevée au point précédent ne saurait donc l’être également à propos des biens apportés par la société SERMA, l’indivision C… I…, l’indivision D… I… et M. B… I…, personnes juridiquement distinctes du concessionnaire, quels que soient leurs liens familiaux ou capitalistiques.

11. Toutefois, il ressort des termes du projet de protocole d’accord litigieux que, sur la valorisation totale des biens dont il dresse la liste, soit 3 700 000 euros, 1 700 000 euros correspondent à ces biens demeurés la propriété des tiers mentionnés ci-dessus. La contribution financière de la commune d’Enchastrayes, fixée à 1 200 000 euros sous la forme d’un fonds de concours, représente ainsi plus de la moitié du coût de leur acquisition par la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, ce que prohibe le second alinéa du V de l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, en vertu duquel  » le montant total des fonds de concours ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours « . Dès lors, le maintien de ses seules clauses relatives aux modalités de rachat des biens de tiers n’étant pas légalement possible, ce protocole doit être regardé comme formant un ensemble indivisible. Il en va de même, par suite, des dispositions de chacune des délibérations contestées, de sorte que l’illégalité relevée au point 9 justifie leur entière annulation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté ses déférés visant la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 28 juillet 2014 et de la délibération du conseil municipal d’Enchastrayes du 9 novembre 2013. Il est dès lors fondé à demander l’annulation de l’article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1403085, 1407888 du 18 août 2015, l’annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1403072 du 18 août 2015 et l’entière annulation de ces deux délibérations.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société I… Frères, la société SERMA, l’indivision C… I… et M. B… I… demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :
Article 1er : L’article 3 du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1403085, 1407888 du 18 août 2015 et la délibération de la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye du 28 juillet 2014 sont annulés.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1403072 du 18 août 2015 et la délibération du conseil municipal d’Enchastrayes du 9 novembre 2013 sont annulés.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société I… Frères, par la société SERMA, par l’indivision C… I… et par M. B… I… sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’intérieur, à la communauté de communes de la vallée de l’Ubaye, à la commune d’Enchastrayes, à la société I… Frères, à la société d’exploitation des remontées mécaniques du Sauze (SERMA), à l’indivision C… I… et à M. B… I….
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l’audience du 2 décembre 2019, où siégeaient :

– M. David Zupan, président,
– Mme H… J…, présidente assesseure,
– M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 décembre 2019.

4
N° 18MA03183

Moniteur de ski britannique/ Refus de délivrer une carte professionnelle/ Illégalité

CAA de LYON

N° 17LY00340 et s.
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
M. POMMIER, président
M. Joseph POMMIER, rapporteur
Mme COTTIER, rapporteur public
PLANES, avocat

lecture du jeudi 5 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D… A… a demandé au tribunal administratif de Lyon, dans le dernier état de ses écritures le 14 octobre 2016 :

1°) d’annuler la décision du 24 février 2014 par laquelle le préfet de la région Rhône-Alpes a décidé de le soumettre à une épreuve d’aptitude à la suite de sa déclaration d’activité en vue de s’établir en qualité de moniteur de ski sur le territoire français ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 25 juin 2014, la ministre des droits de la femme, de la ville, de la jeunesse et des sports a conclu au rejet de la requête.

Par un jugement n° 1403048 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 24 février 2014 et a condamné l’Etat à verser une somme de 900 euros à M. A… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par un recours enregistré le 23 janvier 2017, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement n° 1403048 du tribunal administratif de Lyon du 22 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la requête de M. A….

Il soutient que :
– le jugement est irrégulier en tant qu’il ne mentionne pas le moyen d’ordre public que le tribunal administratif était susceptible de relever d’office, ainsi qu’il en avait informé les parties ;
– c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet de la région Rhône-Alpes aurait commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l’irrecevabilité de la demande de libre établissement en application des dispositions du 3° de l’article R. 212-90 du code du sport ;
– contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, l’activité de moniteur de ski alpin n’est pas réglementée au Royaume-Uni et relève donc de l’article 13 §. 2 de la directive 2005/36 transposé au 2° de l’article R. 212-90 du code du sport ;
– à titre subsidiaire, le préfet n’a pas entaché sa décision du 24 février 2014 d’erreur manifeste d’appréciation en prescrivant à M. A… de passer une épreuve d’aptitude afin de vérifier sa capacité à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers dès lors que sa formation ne permettait pas de s’assurer du respect de cette exigence.

Par un mémoire enregistré le 7 mars 2019, M. A…, représenté par Me E…, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d’appel du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports ;

2°) de confirmer le jugement n° 1403048 du tribunal administratif de Lyon ;

3°) d’annuler la décision du 24 février 2014 ayant implicitement rejeté sa demande de délivrance d’une carte professionnelle de moniteur de ski alpin ;

4°) d’enjoindre au ministre de lui délivrer la carte professionnelle ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le ministre sont mal fondés et soutient en outre :
– que l’avis de la commission de reconnaissance des qualifications est irrégulier dès lors, d’une part, qu’il a été rendu postérieurement à la date de la décision attaquée, d’autre part, qu’il n’est pas motivé, enfin, qu’il est entaché d’une erreur de droit en tant qu’il compare ses qualifications avec celles des autres diplômes britanniques et qu’il ne prend pas en compte le niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national ;
– que l’avis de la section permanente du ski alpin de la commission de la formation et de l’emploi du Conseil supérieur des sports de montagne est irrégulier dès lors, d’une part, qu’il n’est ni daté ni signé, d’autre part, qu’il se fonde sur le Memorandum of Understanding qui n’a pas de valeur juridique, de plus, qu’il n’est pas motivé, enfin, qu’il ne prend pas en compte le niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national ;
– que l’État français avait reconnu en 2011 le caractère réglementé de la formation des moniteurs de ski au Royaume-Uni.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;
– le code du sport ;
– l’arrêté du 11 avril 2012 relatif à la formation spécifique du diplôme d’État de ski – moniteur national de ski alpin ;
– l’arrêté du 25 octobre 2004 fixant les conditions d’obtention de la partie spécifique du brevet d’État d’éducateur sportif du premier degré, option ski alpin ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Pommier, président ;
– les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public ;
– les observations de M. B…, représentant le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports ;
– et les observations de Me E…, représentant M. A….

Considérant ce qui suit :
1. M. D… A…, ressortissant britannique, est titulaire depuis le 10 janvier 2013 de l' » Alpine Level 3 ISIA « , diplôme britannique de moniteur de ski alpin délivré par la British association of snowport instructors (BASI). Le 22 octobre 2013, il a adressé au préfet de la région Rhône-Alpes une déclaration d’activité, en qualité de ressortissant de l’Union européenne, en vue d’obtenir la carte professionnelle lui permettant de s’établir comme moniteur de ski alpin en France. Par une décision du 24 février 2014, le préfet de la région Rhône-Alpes a décidé de soumettre M. A… à une épreuve d’aptitude. Par un jugement n° 1403048 du 22 novembre 2016, dont le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports relève appel, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.

Sur la portée de la décision du 24 février 2014 :

2. Contrairement à ce que soutient M. A…, et alors d’ailleurs que l’article R. 212-90-2 du code du sport distingue bien le cas où le préfet décide de ne pas délivrer de carte professionnelle et le cas où il décide de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude, la décision contestée prise par le préfet de la région Rhône-Alpes le 24 février 2014 ne s’analyse pas, eu égard à ses termes et à son contenu, comme un refus, même implicite, de délivrance d’une carte professionnelle de moniteur de ski, mais seulement comme la décision de le soumettre à l’épreuve d’aptitude prévue à l’article R. 212-90-1 du code du sport, en vue de lui délivrer, en cas de réussite, ladite carte.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l’article R. 611-7 du code de justice administrative :  » Lorsque la décision lui paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu’y fasse obstacle la clôture éventuelle de l’instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. « .
4. Le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports soutient que le jugement attaqué est irrégulier en tant qu’il ne mentionne pas la lettre par laquelle la formation de jugement avait informé les parties qu’elle était susceptible de relever d’office un moyen d’ordre public. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par un courrier en date du 12 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a informé les parties qu’il était susceptible de relever d’office le moyen d’ordre public tiré de ce que le préfet était en situation de compétence liée pour rejeter la demande dont il était saisi. Cependant, il ressort des termes du jugement contesté que le tribunal administratif n’a pas retenu le moyen qu’il envisageait de relever d’office. Dans cette circonstance, l’omission de visa de la lettre du 12 octobre 2016 n’est pas de nature à entacher d’irrégularité le jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :
5. Le ministre soutient que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la formation de moniteur de ski alpin n’est pas réglementée au Royaume-Uni et que la situation de M. A… relève donc du 2° de l’article R. 212-90 du code du sport et non du 3° de ce même article.

6. Il ressort du jugement attaqué que, pour annuler la décision du 24 février 2014 par laquelle le préfet de la région Rhône-Alpes a décidé de soumettre M. A… à une épreuve d’aptitude à la suite de sa déclaration d’activité en vue de s’établir en qualité de moniteur de ski sur le territoire français, le tribunal administratif de Lyon a estimé que la situation de ce dernier répondait aux exigences du 3° de l’article R. 212-90 du code du sport.

7. Aux termes de l’article L. 212-1 du code du sport, dans sa rédaction alors applicable :  » I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l’article L. 212-2 du présent code, les titulaires d’un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification :/ 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l’activité considérée ;/ 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l’article L. 335-6 du code de l’éducation./ (…)./ II.- Le diplôme mentionné au I peut être un diplôme étranger admis en équivalence (…) « .

8. Aux termes de l’article R. 212-90 du même code, dans sa rédaction alors applicable :  » Est réputé satisfaire à l’obligation de qualification requise pour exercer tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 tout ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui se trouve dans l’une des situations suivantes : (…) 2° Justifier avoir exercé l’activité, dans un Etat membre de la Communauté européenne ou un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, à temps plein pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes ou pendant une durée équivalente en cas d’exercice à temps partiel et être titulaire d’une ou plusieurs attestations de compétences ou d’un ou plusieurs titres de formation délivrés par l’autorité compétente d’un de ces Etats attestant la préparation à l’exercice de l’activité pour tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 ainsi qu’un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national, au sens de l’article 11 de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ; 3° Etre titulaire d’un titre attestant un niveau de qualification au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui requis sur le territoire national au sens de l’article 11 de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles délivré par l’autorité compétente d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui ne réglemente pas l’accès à l’activité ou son exercice, sanctionnant une formation réglementée visant spécifiquement l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1 et consistant en un cycle d’études complété, le cas échéant, par une formation professionnelle, un stage professionnel ou une pratique professionnelle ; (…) « .

9. Pour établir que la formation britannique de moniteur de ski alpin n’est pas réglementée au sens des dispositions précitées du 3° de l’article R. 212-90 du code du sport, le ministre a versé au débat un échange de courriels entre l’administration française et le United Kingdom National Contact Point for Professional Qualifications (UK NCP), dont il n’est pas contesté qu’il est le  » point de contact  » britannique dédié pour déterminer les équivalences des qualifications professionnelles britanniques pour la bonne application de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Dans ses courriels du 5 juin 2014, le UK NCP précise ainsi que ni l’activité ni la profession de moniteur de ski alpin ne sont réglementées au Royaume-Uni et invite à se référer pour l’examen de la demande de libre établissement à l’article 13 §2 de la directive, dispositions reprises en partie au 2° de l’article R. 212-90 du code du sport. Le ministre a également produit un extrait traduit d’un rapport d’octobre 2015 commandé par la Commission européenne et intitulé  » mapping of professional qualifications and relevant training for the profession of ski instructor in the EU-28, EEA and Switzerland « , figurant sur le site internet de l’Union qui, d’une part, confirme que la profession de moniteur de ski n’est pas réglementée au Royaume-Uni, d’autre part, précise que la formation pour exercer cette profession n’y est pas non plus réglementée.

10. Pour justifier du caractère réglementé de la formation de moniteur de ski alpin au Royaume-Uni, M. A… verse au dossier des courriels datés des 5 et 6 janvier 2015 et échangés entre un agent du Département des affaires, de l’innovation et des compétences britannique, M. C…, et la Confédération européenne des employés en plein air. Cependant, ces seuls éléments ne sont pas de nature à infirmer les données énoncées au point précédent d’où il résulte suffisamment que la formation de moniteur de ski alpin au Royaume-Uni ne peut pas être considérée comme présentant un caractère réglementé. Il n’apparaît pas non plus que le préfet de la Haute-Savoie aurait en 2011 développé une analyse aboutissant à établir que la formation de moniteur de ski serait réglementée au Royaume-Uni. Il s’ensuit que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le tribunal administratif de Lyon a estimé que la situation de M. A… répondait aux exigences des dispositions du 3° de l’article R. 212-90 du code du sport.

11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A… devant le tribunal administratif et la cour.

12. M. A… soutient que la décision attaquée du 24 février 2014 méconnaît les dispositions de l’article A. 212-185 du code du sport dans sa rédaction alors applicable dès lors que, pour examiner s’il existait une différence substantielle entre sa qualification professionnelle et celle requise sur le territoire national et, le cas échéant, conclure à l’existence d’une telle différence, le préfet de la région Rhône-Alpes aurait dû se référer au brevet d’Etat d’éducateur sportif option  » ski alpin  » et non pas, ainsi qu’il l’a fait, au diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin.

13. Aux termes de l’article L. 212-7 du code du sport, dans sa rédaction alors applicable :  » Les fonctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 212-1 peuvent être exercées sur le territoire national par les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne ou des Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen qui sont qualifiés pour les exercer dans l’un de ces Etats. (…) Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions auxquelles cet exercice est soumis lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et celle requise en application du I de l’article L. 212-1. Ce décret précise notamment la liste des activités dont l’encadrement, même occasionnel, peut être subordonné, si la sécurité des personnes l’exige compte tenu de l’environnement spécifique et des conditions dans lesquelles elles sont pratiquées, au contrôle préalable de l’aptitude technique des demandeurs et de leur connaissance du milieu naturel, des règles de sécurité et des dispositifs de secours. « .

14. Aux termes de l’article R. 212-90-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable :  » Pour l’exercice de tout ou partie des activités dans les fonctions mentionnées à l’article L. 212-1, la qualification professionnelle du déclarant, attestée conformément au 1°, au 2°, au 3° ou au 4° de l’article R. 212-90, est regardée comme présentant une différence substantielle avec la qualification professionnelle requise sur le territoire national, lorsque la formation du déclarant n’est pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers. Lorsque le préfet estime qu’il existe une différence substantielle et après avoir vérifié que cette différence n’est pas entièrement couverte par les connaissances acquises par le déclarant au cours de son expérience professionnelle, il saisit pour avis la commission de reconnaissance des qualifications dans le délai mentionné à l’article R. 212-89. Dans le délai d’un mois à compter de sa saisine, la commission se prononce sur l’existence d’une différence substantielle et propose, le cas échéant, au préfet, si elle estime que les connaissances acquises par le déclarant au cours de son expérience professionnelle ne sont pas de nature à couvrir, en tout ou partie, la différence substantielle constatée, de soumettre celui-ci à une épreuve d’aptitude ou à un stage d’adaptation d’une durée maximum de trois ans, dont elle propose les modalités, en fonction de la différence substantielle constatée et des connaissances acquises par le déclarant au cours de son expérience professionnelle. Après avoir pris connaissance de l’avis de la commission, le préfet peut exiger que le déclarant choisisse soit de se soumettre à une épreuve d’aptitude, soit d’accomplir un stage d’adaptation, dont il précise les modalités, en fonction de la différence substantielle constatée et des connaissances acquises par le déclarant au cours de son expérience professionnelle. Le déclarant fait connaître son choix entre l’épreuve d’aptitude et le stage d’adaptation dans un délai d’un mois. Pour les activités s’exerçant en environnement spécifique au sens des dispositions de l’article L. 212-7, la commission, avant d’émettre son avis, saisit pour avis, lorsqu’ils existent, les organismes de concertation spécialisés. Après s’être prononcée sur l’existence d’une différence substantielle, la commission propose, le cas échéant, au préfet, par dérogation au droit d’option ouvert au déclarant entre l’épreuve d’aptitude et le stage d’adaptation et pour des motifs tenant à la sécurité des personnes, de soumettre le déclarant à une épreuve d’aptitude. Après avoir pris connaissance de l’avis de la commission, le préfet peut exiger que le déclarant se soumette à une épreuve d’aptitude. Un arrêté du ministre chargé des sports détermine, pour chacune des activités s’exerçant en environnement spécifique, les critères d’appréciation de la différence substantielle, le programme, les modalités d’organisation et d’évaluation de l’épreuve d’aptitude et établit la liste des établissements dans lesquels elle est organisée. La commission propose et le préfet détermine celles des matières du programme sur lesquelles le déclarant est testé, en fonction de la différence substantielle constatée et des connaissances acquises par celui-ci au cours de son expérience professionnelle. « .

15. Aux termes de l’article A. 212-185 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée :  » Pour l’encadrement du ski alpin et de ses activités dérivées, la différence substantielle au sens de l’article R. 212-90-1 et du 3° de l’article R. 212-93, susceptible d’exister entre la qualification professionnelle du déclarant et la qualification professionnelle requise sur le territoire national, est appréciée en référence à la formation du brevet d’Etat d’éducateur sportif, option  » ski alpin « , en tant qu’elle intègre : -les compétences techniques de sécurité ; -les connaissances théoriques et pratiques en matière de sécurité. « .

16. Il ressort des énonciations de la décision litigieuse du 24 février 2014 que, pour apprécier la différence substantielle susceptible d’exister entre la qualification professionnelle de M. A… et celle requise sur le territoire français, le préfet de la région Rhône-Alpes s’est fondé sur le diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin, et non sur le brevet d’Etat d’éducateur sportif, option  » ski alpin « , qui, pour l’application des dispositions de l’article A. 212-185 du code du sport, a été remplacé par le diplôme d’Etat précité à compter seulement du 31 octobre 2014.

17. Il ressort de la comparaison des arrêtés régissant ces diplômes que les compétences techniques de sécurité et les connaissances théoriques et pratiques en matière de sécurité ont évolué de façon significative entre le brevet d’Etat d’éducateur sportif, option  » ski alpin  » et le diplôme d’Etat de ski – moniteur national de ski alpin. Si le ministre fait valoir que la référence à l’un ou l’autre de ces diplômes était équivalente dès lors que tous deux comportaient une formation comprenant le test technique Eurotest et que l’absence de réussite à l’Eurotest constituait une différence substantielle de formation, il n’explique toutefois pas en quoi la non obtention de l’Eurotest suffirait à faire regarder la formation du déclarant comme n’étant pas de nature à garantir la sécurité des pratiquants et des tiers. Dans ces conditions, M. A… est fondé à soutenir que le préfet de la région Rhône-Alpes a fait une inexacte application des dispositions des articles R. 212-90-1 et A. 212-185 du code du sport, dans leur rédaction alors applicable, en se méprenant sur le diplôme à prendre en compte pour apprécier la différence substantielle entre la qualification professionnelle du déclarant et celle requise sur le territoire national.

18. Dès lors, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés par M. A…, il résulte de ce qui précède que le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de la région Rhône-Alpes en date du 24 février 2014.

Sur les conclusions aux fins d’injonction présentées par M. A… :

19. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative :  » Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. « . Aux termes de l’article L. 911-2 du même code :  » Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d’office l’intervention de cette nouvelle décision. « .

20. Compte tenu du moyen d’illégalité retenu, la confirmation par le juge d’appel de l’annulation de la décision du 24 février 2014 n’implique pas nécessairement la délivrance de la carte professionnelle d’éducateur sportif mais seulement le réexamen par l’administration du dossier présenté par M. A… en vue d’exercer la profession de moniteur de ski dans le cadre du libre établissement. Il ne résulte pas de l’instruction que l’administration aurait déjà procédé à un tel réexamen à la suite du jugement frappé d’appel. Il y a lieu en conséquence d’enjoindre à l’administration de procéder audit réexamen dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt

Sur les frais liés au litige :

21. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme demandée par M. A… au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports est rejeté.
Article 2 : Il est enjoint à l’administration de réexaminer, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, la déclaration d’activité adressée par M. A…, en sa qualité de ressortissant de l’Union européenne, en vue d’obtenir la carte professionnelle lui permettant de s’établir comme moniteur de ski alpin en France.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A… est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D… A… et au ministre des sports.
Délibéré après l’audience du 4 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

2
N° 17LY00341

________________________________________

Analyse
Abstrats : 15-05-01-01-05 Communautés européennes et Union européenne. Règles applicables. Libertés de circulation. Libre circulation des personnes.
55-005-01 Professions, charges et offices.

Avalanche/ Militaires/ Accident/ Faute/ Sanction/ Proportionnalité

CAA de MARSEILLE

N° 18MA04157
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. POCHERON, président
M. Georges GUIDAL, rapporteur
M. CHANON, rapporteur public

lecture du vendredi 6 décembre 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

________________________________________

Texte intégral
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E… A… a demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision du 25 mai 2016 par laquelle l’autorité militaire de premier niveau a prononcé à son encontre une sanction disciplinaire du premier groupe de vingt jours d’arrêts, ainsi que la décision du 29 juillet 2016 par laquelle le chef d’état-major de l’armée de terre a refusé d’agréer son recours formé contre cette sanction, d’autre part la décision du 7 juillet 2016 par laquelle le commandant de la 27ème brigade d’infanterie de montagne l’a privé définitivement de la faculté d’exercer les fonctions de chef de détachement au titre des activités montagnes.

Par un jugement n° 1602326, 1603220 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 25 mai 2016 infligeant à l’intéressé la sanction de vingt jours d’arrêt ainsi que la décision du 29 juillet 2016 rejetant le recours formé contre cette décision et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2018, la ministre des armées demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juillet 2018, en tant qu’il annule la sanction prononcée à l’encontre de M. A… ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A… devant le tribunal administratif de Nîmes.

Elle soutient que :
– c’est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits à l’origine de la sanction disciplinaire n’étaient pas matériellement établis ;
– les manquements commis par l’intéressé sont constitutifs d’une faute qui a mis en danger la vie de ses subordonnés ;
– la sanction prononcée n’est pas disproportionnée au regard de la faute commise.

La requête a été communiquée au dernier domicile connu de M. A… qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
– le code de la défense ;
– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. C…,
– et les conclusions de M. B….

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 janvier 2016, lors d’une activité montagne programmée dans le cadre d’un stage de formation d’adaptation montagne initiale (FAMI), un détachement de la 3ème compagnie du 2ème régiment étranger de génie a été victime d’une avalanche, provoquant le décès de six légionnaires. A la suite d’une enquête de commandement, M. A…, alors adjudant exerçant les fonctions de chef de détachement  » haute montagne « , a fait l’objet d’une sanction de vingt jours d’arrêt prononcée par décision du 25 mai 2016 de l’autorité militaire de premier niveau. Suite au recours hiérarchique formé par l’intéressé, le chef d’état-major de l’armée de terre a, par une décision du 29 juillet 2016, confirmé cette sanction. Enfin, par une décision du 7 juillet 2016, le commandant de la 27ème brigade d’infanterie de montagne a définitivement privé M. A… de la faculté d’exercer les fonctions de chef de détachement au titre des activités montagnes. Par un jugement du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de M. A…, annulé la décision du 25 mai 2016 le sanctionnant ainsi que la décision du 29 juillet 2016 rejetant son recours formé contre cette décision et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Elle doit être regardée comme demandant l’annulation de l’article 1er de ce jugement qui annule la sanction prononcée à l’encontre de M. A….

2. En vertu des dispositions combinées des articles L. 4137-1, L. 4137-2 et L. 4138-15 du code de la défense, sans préjudice des sanctions pénales qu’ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent à des sanctions disciplinaires réparties en trois groupes. Le premier groupe comporte l’avertissement, la consigne, la réprimande, le blâme, les arrêts et le blâme du ministre. Le deuxième groupe comporte l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération, l’abaissement temporaire d’échelon et la radiation du tableau d’avancement. Le troisième groupe comporte le retrait d’emploi pour une durée maximale de douze mois et la radiation des cadres ou la résiliation du contrat.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A… a été sanctionné pour ne pas avoir dûment planifié la journée de formation du 18 janvier 2016 par l’établissement  » d’une fiche activité à caractère montagne  » (FACM), de ne pas s’être impliqué dans sa préparation, d’avoir manqué de lucidité dans la conduite finale de la course et de ne pas avoir appréhendé de manière optimale les préconisations du bulletin nivologique-météorologique qui déconseillait de s’engager dans les pentes exposées nord, même s’il avait fait le choix d’un itinéraire pertinent une fois la course engagée.

4. Pour faire droit à la demande de M. A…, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir relevé que la répartition des responsabilités au sein du détachement n’avait pas été clairement définie, a estimé que l’intéressé justifiait avoir établi une  » fiche activité à caractère montagne  » pour la sortie en cause, qu’il avait procédé à une analyse du risque, qu’il n’avait pas engagé le détachement sur un mauvais itinéraire à l’issue de la pause, qu’il avait participé à la préparation de cette sortie et qu’il justifiait par des éléments circonstanciés que les différentes tâches qui lui avaient été confiées la veille de la sortie ne lui avaient pas permis d’apporter un soutien au sergent chargé de la préparation de la course. Il en a déduit que la sanction en litige reposait sur des circonstances de fait qui n’étaient pas matériellement établies.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment de la note de service du 7 janvier 2016, que les modalités pratiques d’organisation et d’exécution de la formation devant se dérouler du 11 au 28 janvier 2016, ainsi que les responsabilités des différents intervenants étaient clairement définies. A ce titre, en qualité de chef de détachement, M. A… avait pour mission d’organiser le déplacement en montagne prévu le 18 janvier 2016 et notamment de  » présenter toutes les fiches d’activités à caractère montagne au bureau montagne avant mercredi 6 janvier 2016 pour avis de l’officier montagne et décision du chef de corps « . S’il est constant que l’intéressé a établi, selon les instructions en vigueur, différentes fiches  » activité à caractère montagne  » sur lesquelles devaient s’appuyer les sorties, notamment en direction du col d’Aussois ou du râteau d’Aussois, en revanche aucune fiche n’a été établie pour la sortie prévue le 18 janvier 2016 au col du petit Argentier, comme l’a d’ailleurs reconnu M. A…. Celui-ci a par ailleurs admis ne pas s’être impliqué comme il le souhaitait dans la course prévue le 18 janvier 2016, n’ayant ni collaboré ni assisté à la reconnaissance du parcours qui avait été effectuée la veille. S’il s’est prévalu à cet égard d’un programme chargé lors de la journée du 17 janvier, il n’est pas établi qu’il aurait fait le point en fin de journée avec le sous-officier subalterne qu’il avait désigné pour cette préparation, alors qu’il en avait encore le temps.

6. Même s’il est constant que M. A… a pris connaissance du bulletin nivologique-météorologique le soir du 17 janvier 2016, a cherché à mobiliser ses compétences techniques avant de poursuivre l’ascension en tête du groupe sur des pentes déconseillées et n’a cherché qu’à atteindre le point qui lui avait été fixé par sa hiérarchie, il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que la sanction en litige reposait sur des circonstances de fait entachées d’inexactitude.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A… devant le tribunal administratif de Nîmes.

8. Au regard des obligations qui s’imposaient au chef de détachement, les approximations dans l’organisation et le déplacement en montagne du 18 janvier 2016 mentionnées au point 5 sont constitutives d’une faute de nature à justifier une sanction. S’il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A… aurait engagé le détachement sur un mauvais itinéraire à l’issue de la pause ou se serait éloigné de l’itinéraire fixé par sa hiérarchie, il résulte de l’instruction que l’autorité militaire aurait pris la même décision si elle s’était fondée seulement sur les faits mentionnés au point 5. En infligeant à l’intéressé la sanction de vingt jours d’arrêt, qui n’est pas la plus sévère des sanctions du premier groupe prévu à l’article L. 4137-2 du code de la défense, l’autorité militaire n’a pas pris, en l’espèce, une mesure disproportionnée par rapport à la faute commise. Il en résulte que M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 25 mai 2016 de l’autorité militaire de premier niveau lui infligeant la sanction de vingt jours d’arrêt.

9. En prenant la décision en litige du 29 juillet 2016, par laquelle il a rejeté, après une nouvelle instruction de la demande, le recours hiérarchique formé par M. A… contre la décision du 25 mai 2016, le chef d’état-major de l’armée de terre ne peut être regardé comme ayant entendu retirer ou modifier la décision initiale et n’a pas eu à se prononcer au vu de circonstances de fait ou de droit nouvelles. M. A… n’étant pas fondé à demander l’annulation de la décision du 25 mai 2016, ses conclusions dirigées contre la décision du 29 juillet 2016, qui se borne à la confirmer sur recours hiérarchique, doivent être également rejetées, sans qu’il puisse utilement se prévaloir des vices propres dont cette seconde décision serait entachée tenant à une mention erronée dans ses visas d’un bulletin de sanction du 1er février 2016 ou à ce qu’elle ne répondrait que partiellement à son recours.

10. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 25 mai 2016 de l’autorité militaire de premier niveau ainsi que la décision du 29 juillet 2016 rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision.

D É C I D E :

Article 1er : L’article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentées par M. A… devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l’annulation des décisions du 25 mai 2016 de l’autorité militaire de premier niveau et du 29 juillet 2016 du chef d’état-major de l’armée de terre sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. E… A….

Délibéré après l’audience du 22 novembre 2019, où siégeaient :

– M. Pocheron, président de chambre,
– M. C…, président assesseur,
– Mme D…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.

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N° 18MA04157
nl

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Analyse
Abstrats : 08-01-01-05 Armées et défense. Personnels militaires et civils de la défense. Questions communes à l’ensemble des personnels militaires. Discipline.